Règles de base. 

 

Le Code civil à ses articles 1614 et 1615 établit des règles concernant l’indemnisation du préjudice corporel. En ce qui concerne les aspects futurs du préjudice, il faut se référer au taux d’actualisation prescrits par règlement du gouvernement, dit l’article 1614. Il s’agit du « Règlement d’application de l’article 1614 du Code civil sur l’actualisation des dommages-intérêts en matière de préjudice corporel »,  RLRQ c CCQ, r 1, qui dit ceci : 1. Les taux d’actualisation applicables, quant aux aspects prospectifs du préjudice, au calcul des dommages-intérêts dus au créancier en réparation du préjudice corporel qu’il subit sont: 1°    pour les pertes résultant tant de la diminution de la capacité de gains que de la progression des revenus, traitements ou salaires, de 2%;  2°    pour les autres pertes résultant de l’inflation, de 3,25%.

L’article 1615 vient dire que si la preuve lors du procès ne permet pas de déterminer avec une précision suffisante l’évolution de la condition médicale, la partie demanderesse peut demander au juge du procès de réserver ses droits à réclamer des dommages additionnels pour le préjudice corporel pour une période de trois années suivant le jugement.

Les calculs en utilisant l’article 1614 CCQ peuvent s’avérer compliqués. Le juge en parle dans la cause Barrette c. Hubert, 2009 QCCS 5604. Il renvoie au jugement qu’il a rendu dans Bérubé c. Durette, 2007 QCCS 5729. Dans Durette, un enfant de 12 ans a été blessé; l’expert médical lui attribue un DAP (déficit anatomo-physiologique) de 10% selon le barème de l’American Medical Association (AMA) appliqué par nos tribunaux civils. Le juge accorde 12$ par jour pendant 69 ans, soit l’expectative de vie au Canada. Le juge dit qu’il choisit la méthode mise de l’avant par la Cour d’appel dans Brière c. Cyr, 2007 QCCA 1156, soit l’attribution d’une compensation par jour.

La meilleure preuve dans le cas de blessures corporelles sévères, avec atteintes fonctionnelles permanentes, est évidemment un rapport d’actuaire. Mais un tel rapport est dispendieux et les justiciables préfèrent souvent laisser le juge décider, dans sa discrétion, de la juste compensation. Dans une cause de Lamontagne c. Larouche, 2006 QCCS 655, il y a un DAP selon le barème de l’AMA de 16%. Il n’y a pas de rapport actuariel. Le juge conclut qu’il va y avoir une perte se salaire de 10 155,54$ par année jusqu’à la fin de la vie active (65 ans). Le juge dit qu’il utilise le taux d’actualisation de 2% pour la perte de gains futurs et le logiciel Margill aux fins de calcul. La Cour d’appel dans Ouellet c. Lamontagne, 2006 QCCA 789, siégeant en appel, n’examine pas la façon de faire les calculs du juge de la Cour Supérieure.

La Cour d’appel dans Ville de Rosemère c. Lebel, 2010 QCCA 1501, vient dire que Brière c. Cyr n’est pas la panacée. La Cour d’appel dit que le juge de première instance doit utiliser sa discrétion pour déterminer une compensation juste et raisonnable. Les avocats vont donc soumettre au juge des causes similaires et argumenter avec cette jurisprudence sur la compensation qui devrait être accordée…

Lorsqu’il y a un DAP, il y a un préjudice moral qui lui est attaché, de la nature d’une perte de jouissance de la vie, de souffrances et douleurs, de troubles et inconvénients et souvent de préjudice esthétique. La Cour Suprême a fixé un plafond pour la compensation de tout le préjudice moral lequel plafond a été constamment indexé annuellement : nous référons à ce sujet à la cause Ville de Rosemère c. Lebel, 2010 QCCA 1501. Pour un DAP de 100%, le plafond d’indemnisation pour tout le préjudice moral est de 311 600$ en 2008, et les autorités suggèrent une indexation annuelle selon le taux annuel d’inflation au Canada.