Le seul fait d’inviter le public à se rendre dans des lieux pour une activité quelconque crée une lourde obligation de mise en sécurité des lieux. Si les lieux constituent un piège caché pour l’utilisateur et que l’utilisateur se blesse, il pourra possiblement y avoir responsabilité solidaire de plusieurs protagonistes, et soit le propriétaire des lieux commerciaux, le locataire commercial, le promoteur des lieux commerciaux, le gestionnaire des lieux commerciaux, celui à qui le contrat de maintenance a été confié, et les divers assureurs sous 2501 CCQ.
Prenons l’exemple où propriétaire, locataire commercial, promoteur, gestionnaire, savent que les ascenseurs fonctionnent mal, et que les ascenseurs restent pris entre deux planchers. Il va de soi que le client traumatisé va prendre action contre tout le monde. Nous renvoyons à une cause de : Construction Dagamo ltée c. Monast, 1994 CanLII 5472 (QC CA). Parlant d’ascenseurs, dans une cause de Allard-Proulx c. Syndicat des copropriétaires du Condominium Le Presqu’Île, Phase 1, 2008 QCCQ 9569, l’ascenseur s’est arrêté à entre 8 et 12 pouces du plancher; il y a eu chute et le syndicat a été condamné à payer les dommages. L’action en garantie du syndicat contre sa compagnie de maintenance a été accueillie. La notion de piège est utilisée par la Cour pour décrire le dénivellement anormal de l’ascenseur. Voir aussi la cause : PG Canada c. CNIM Canada Inc., 2015 QCCS 5094
La jurisprudence va dire que les exploitants d’établissements commerciaux ne sont pas les assureurs de ceux qui les fréquentent contre tout risque d’accident et que le devoir d’entretien doit être dans les limites du raisonnable et on ne peut exiger la perfection absolue : T. Eaton Co. Of Canada c. Moore, (1951) 1951 CanLII 35 (SCC), R.C.S. 470; Cooney c. Steinberg’s Ltd, (1973) C.A. 857; Laramée c. Pharmacie Jean Coutu, (1982) C.S. 591; Turco c. Yiangello, 2005 CanLII 49346 (CS); Trudel Leroux c. Zellers Inc. 2011 QCCS 5162.
On parle d’un “ duty of reasonable care ” : Kollias c. Manolakas, 1990 CanLII 3769 (QC CA). Lorsque l’on fait une preuve de soin et de diligence raisonnables, on agit en « bon père de famille »; on a alors pris les précautions que prendraient les personnes prudentes dans des circonstances identiques. Ce critère du bon père de famille est appliqué pour caractériser la faute. Voir dans les cas de chutes dans un stationnement: Gonzalez c. Carrefour Laval Leaseholds Inc., 2016 QCCQ 1635; Savard c. Ateliers Jean Cyr Inc., 2015 QCCQ 8850; Breton c. Bolduc, 2015 QCCS 5991; Castro c. 4258649 Canada Inc., 2013 QCCA 997; Hamel c. Épiciers Unis Métro Richelieu Inc., 2011 QCCQ 3427; Nalbandian c. Provigo Distribution inc., 2009 QCCQ 1932 (CanLII); Ouaknine c. Ivanhoe et Service d’entretien Distinction Inc., .2004 QCCS 27424; Plaisance c. Développements Iberville Ltée 2008 QCCS 3724.
Le propriétaire ne peut déléguer sa responsabilité civile et dire, par exemple, qu’il a confié la maintenance de ses ascenseurs à une entreprise spécialisée et que c’est seulement la compagnie de maintenance qui est responsable. Si un bail entre un propriétaire et un locataire de lieux commerciaux indique que c’est le locataire qui doit faire la maintenance à l’exonération du propriétaire, une telle clause est « res inter alios acta » à l’endroit de la victime, Dans une cause de Stern c. Rutman, 1990 CanLII 3322 (QCCA), la victime est tombée sur une plaque de glace en sortant d’une pharmacie, et elle poursuit le propriétaire, qui à son tour poursuit en garantie le locataire qui exploite la pharmacie. L’action principale sera maintenue ainsi que l’action en garantie. La responsabilité solidaire du propriétaire et de l’exploitant peut être recherchée : Drapeau c. Tanguay ( Salons Luxart Martine ), 2009 QCCS 700.
La Cour d’appel du Québec dans la décision Site touristique Chute à l’Ours de Normandin inc. c. Nguyen (Succession de), 2015 QCCA 924 (CanLII), dit que l’obligation de sécurité est une obligation implicite que l’on soit en matière contractuelle ( 1434 CCQ) ou extracontractuelle (1457 CCQ); il s’agissait d’un centre récréatif. Les centres de ski, les parcs aquatiques, sont tenus à de lourdes obligations de mise en sécurité : Chamoun c. 4094468 Canada Inc., 2016 QCCS 4190, où le juge révise la jurisprudence applicable.
L’étendue de l’obligation de mise en sécurité est souvent exposée en jurisprudence. L’entreprise qui exploite des lieux commerciaux a un devoir public de soins raisonnables, et si elle laisse des obstacles se créer aux sorties, sur lesquels obstacles les clients peuvent trébucher, la responsabilité de l’entreprise sera retenue : Desorcy c. Compagnie Wal-Mart du Canada, 2010 QCCS 3292, où le juge renvoie à une cause de la Cour du Québec Félix c. Supermarchés Provigo, 2003 CanLII 4720, dans quelle cause le juge révise les causes touchant à la responsabilité incombant à un établissement ouvert au public.
Lorsqu’il y a de l’eau sur le plancher qui fait glisser, la responsabilité de l’exploitant sera retenue : Hélène Paquette c. Alimentation Daniel Crevier inc. et al, 2006 QCCQ 6883 (CanLII), 2006, Q.C.C.Q., 6883.
La jurisprudence va aussi dire que le devoir de sécurité qui incombe aux exploitants de commerce qui reçoivent de la clientèle chez eux réside dans une obligation de prendre les moyens appropriés pour éviter un accident prévisible et
non un événement possible : Araoui c. Dikranian, 2002 CanLII 63628 (QC CS). Le juge s’appuie sur la Cour d’appel qui s’exprime comme suit dans l’arrêt Marcel
Clément c. Claire Sassive, 1998 CanLII 13281 (QC CA).
La jurisprudence va renverser le fardeau de preuve en certaines circonstances et placer le fardeau de preuve sur la partie défenderesse. Exemple, la non-conformité des lieux au Code National du bâtiment peut permettre un renversement de la preuve : absence de main courante ou main courante déficiente dans escaliers, marches irrégulières